Je te désinhibe

Lettre i du 8 avril 2022

[Ecrit le 4 avril]

Paris, encore pour quelques jours.
Plaisir de déambuler dans les rues, sur les ponts, de me laisser guider par la flânerie, de découvrir de petits recoins inexplorés…
Alors plongée dans mon romantisme, j’aperçois de la fumée de plus en plus grise, qui se répand depuis mon quartier, vers la Seine ; j’apprends ensuite qu’un bus a pris feu place Maubert. Un peu remuée, je prends place dans un café-resto au nom évocateur : Le Buisson Ardent.

Je demande à m’asseoir à l’intérieur, et le serveur me prépare une petite table, seule dans la salle attenante. Pas de masque, nos visages sont découverts et se regardent, c’est presque indécent. Sa beauté timide, un peu féminine, me touche. Je lui demande de mettre beaucoup de cacao dans mon chocolat chaud, parce que souvent, lui dis-je, les serveurs mettent trop de lait et ce n’est pas très bon.

Délice de chocolat viennois qui arrive à ma table.
Luxe que je savoure dans ma solitude teintée de musique jazz.
Plaisir d’aller payer au comptoir et de lui dire combien c’était bon, de voir son sourire gêné et sa main tremblante en rendant la monnaie.

J’aime désinhiber les gens.
Désinhiber, qu’est-ce que c’est ?
Ce n’est pas dévergonder, car dévergonder c’est déstructurer.
Ce n’est pas pousser quelqu’un dans une direction qui n’est pas la sienne.

C’est simplement donner l’autorisation.

Dans un monde où les interdits sont nombreux, et où la transgression est sévèrement punie…
Dans un monde où nos modes de vie et d’expression sont de plus en plus surveillés, et classés (voire notés) comme étant bons ou mauvais…
Dans un monde où il faut prendre des pincettes et se retenir, même dans l’intimité la plus intime, même avec nos proches…

Nombreux sont ceux qui vivent en retenant, en contenant ce qu’ils sont.
Par honte, par culpabilité, par peur d’être jugé, puni, rejeté.

Je me sens chanceuse d’oser accéder à cette partie contenue et refoulée chez les gens.
Je la vois.
Je la sens.

Et je leur fais sentir que je l’ai vue chez eux, et que je ne les juge pas pour ça.

Au contraire, je les encourage à assumer, à s’aimer tels qu’ils sont, à s’exprimer comme ils n’ont jamais osé le faire.

A travers la créativité.
A travers leurs sujets de conversation.
A travers leur sexualité.

Sans pré-mâcher ce qu’ils sont censés vivre, parce que chaque chemin est unique.
Mais juste les inviter à ouvrir la porte, et à regarder les trésors qui se trouvent cachés là, à l’intérieur.
À s’amuser un peu avec, aussi.

Et sentir que nous avons tous en nous cette liberté, cette joie profonde qui ne demande qu’à rayonner, à être accueillie, toute vibrante et puissante qu’elle est.

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